France

Publié le par silex

 

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Je suis parti dans le Kansaï pour faire des recherches autour du Mont Hiei-San. Durant cet période, j’ai travaillé au sein du temple Dainishre à Srigakuin.

 

Mon travail était en partie dédié à l’analyse des textes, et d’autre part, aux rites actifs en relation avec le feu et l’eau, la littérature écrite et la littérature orale étant le support des images perçues au cours d’un pérégrinage dans les forêts.

 

La forêt est la base sensitive du rapprochement entre les êtres et l’univers. L’univers est représenté par la nature dans son expression à dimension humaine : le jardin, l’art : le jardin, l’art.

 

J’ai pris les chemins qui s’introduisent jusqu’au bout du Mont et qui ont été explorés il y a des siècles. J’ai rencontré souvent des monticules de pierres, où des pierres alignées, qui représentent l’existence de forces invisibles. La pierre est un objet qui incarne notre propre désir de s’intégrer dans ce monde délicat et illimité de formes.

Ces pierres guident individuellement chaque être dans son quotidien, dans l’intégration entre la matière et le rêve, le réel et l’illusion de devenir soi-même immatériel.

 

La voix qui déclenche l’acte, l’esprit au plus profond de soi, se révèle dans le contact avec d’autres mondes, le monde des esprits et de l’au- de-là.

Le rituel du feu est une purification et à la fois la clé d’un univers ésotérique dans ce monde. Les objets possèdent leur propre personnalité ainsi que les formes de l’invisible, au bout des doigts, attachés par les cordages du conscient.

 

L’eau qui est en nous rejoint l’origine de la vie avec la rivière. Le miracle de la chute d’eau qui, dans un mouvement suspendu dans le temps, réveille les esprits protecteurs, mais aussi les Kami (Dieux) pour sauver ce qui reste de pur en nous dans le chemin vers la nature.

 

L’univers représenté dans le jardin, l’eau dans les cieux, donne l’origine de la vie. Mais l’eau suspendue sur des niveaux différents représente aussi des siècles différents.

 

Les pierres sont les êtres les plus lointains. Placées en position verticale et par le positionnement d’un trou circulaire sur la partie supérieure, elles communiquent avec le monde des forces invisibles. C’est aussi la porte, miroir d’un infini latent, au plus loin.

 

Les Gisö sont des pierres placées en groupe sur des parcours géographiques. On découvre souvent sur des chemins abandonnés des forêts, ces assemblements de pierres sculptées. Elles sont souvent habillées de bavoirs de bébé rouges, de ficelles. J’ai eu toujours peur de m’approcher mais finalement j’ai fait une étude approfondie sur elles, ce qui a enrichi ma démarche.

 

J’ai rencontré souvent sur les chemins qui conduisent aux rivières, des monticules de cailloux produisant des compositions très originales au fil des années. Ils témoignent du respect qu’ont les habitants de la région pour le dieu de la montagne, Kamisama.

 

L’eau sacrée est signalisée par de longues compositions de papier coupé, plié, graphité. Le spectacle de la rivière, dans le silence, face aux événement artistiques des cordages naturels et des papiers, nous indique la porte du chemin sacré, l’entrée (Guenkan) dans les eaux purifiantes et l’oubli du mal qui reste derrière, enterré.

 

Je voudrais insister sur l’importance des portes, l’intégration d’un espace dans un autre, dans le monde des esprits.

Dans un espace, il y a une entrée qui est le commencement du parcours et qui nous place géographiquement dans le temps. (J’ai lu dans le soutras du lotus que « le temps est une illusion de la matière »). Il est très mal vue de ne pas respecter le sens des espaces et la façon de s’introduire dans les lieux. Par exemple, dans le rituel du feu, on cherche des braises incandescentes prises du site où la flamme ne s’arrête jamais ; (la mission du gardien du feu est de le conserver constamment). On s’introduit dans l’autel, démarqué par une corde à la hauteur du ventre, en passant toujours sous cette corde.

 

L’espace est peuplé d’esprits. Ce sont les symboles qui nous donnent accès aux formes . Pour nous, en Occident, les dieux sont abstraits … En Asie, les dieux existent où que l’on soit, on les met en acte par notre existence. Ces formes qui dirigent les hommes n’ont jamais été des hommes. Pour Yung, ce sont nos propres formes qui nous gouvernent sur le plan psychologique, mais aussi dans l’inconscient collectif, les sociétés.

 

Les choses deviennent réalité dès le moment où on les dit. Je pense aux rites de possession où l’on exprime toujours un état émotionnel en situation de transe. Le contact le plus délicat entre les êtres humains et les forces immatérielles se produit dans des états particuliers de concentration.

 

Dans le temple « Dainishu », toutes les prières se font en chantant et accompagnées de percussions. Mais j’ai aussi remarqué que dans toutes les festivités boudiques, on se sert d’instruments de percussion. La voix nous met en rapport avec les dieux, Boudha, les esprits. Elle a une valeur divine, c’est le verbe.

 

Les sons sont vraiment en activité dans l’osmose de la communication avec le spectacle de la vie. Le regard est la fenêtre. On apprend à déguster les espaces, à contempler la nature, à admirer un éclat de couleur ou de lumière sur le champ visuel.

 

Le Kansaï est une région de grandes forêts. Elles deviennent rouge en automne par les feuillages des arbres, des plantes et du ciel.

 

C’est un matin, mon premier matin au Japon, que je me réveille sous une pluie rouge qui prend mon regard et mes sens. Le spectacle inexplicable du vent dessine l’espace de milliers de feuilles.

C’est sur ma route que, jour après jour, j’ai ramassé ces feuilles et travaillé sur des compositions éphémères autour de la peinture. Mes journées étaient courtes et c’est ainsi que j’ai trouvé un moyen pour faire l’art, dans cette action.

 

J’ai appris que les gens au Japon prennent un grand plaisir à contempler les espaces, les ombres, les finesses. On appelle cet acte : « chasser des images ».

Souvent en automne, les familles partent en week-end dans le Kansaï « pour chasser les feuilles ». C’est le feuillage rouge des érables qu’on regarder.

 

Ma démarche est double : faire de la peinture et d’utiliser les matières, les matériaux, les objets qui m’entourent pour faire mon art. Parfois, je pense la peinture, d’autre fois, elle devient dialogue entre le mot et la pensée, mais je peux aussi tout simplement peindre, même si le milieu m’oblige à changer sa forme.

 

C’est ainsi que j’ai décidé de garder ses feuillages. Je les ai laissé sécher entre des feuilles de papier journal, en gardant la dimension d’un quart de journal pour pouvoir les transporter et je les ai emmenées sous mon bras vers l’étranger.

 

Je devais accomplir une mission en Australie pendant quelques mois. Je me suis installé dans la forêt de NSW avec ma fille pour continuer mon travail. C’est là que j’ai commencé mes assemblages de feuilles en les collant avec de la résine végétale et des fers chauffés. Je les ai suspendues dans l’espace à l’aide de fils très fins que j’ai pigmenté avec des épices.

 

Un matin, j’ai vu les forêts rougir comme jamais, c’était le feu… Le feu purifiant détruisait mes forêts qui mettait en danger la vie. Le vent criait dans ces forgées de flammes partout dans la région.

 

J’ai dû partir. J’ai continué mon travail car je faisait une exposition au Centre d’Art Graphique de Hong Kong.

J’ai présenté mes œuvres et une fois tout organisé, je suis parti dans les îles où je me suis installé pour continuer mon travail. C’est dans le village Tai-O que j’ai trouvé un vieux hangar de pêcheurs où j’ai travaillé avec mes feuilles ainsi que sur des installations autour du paysage.

 

Durant trois ans, j’ai mené un travail constant autour des feuilles d’érable, jusqu’à ce que mes installations aboutissent. J’ai travaillé dans mon atelier à Paris, puis je les ai ramenées au Japon, dans mon nouvel atelier sur l’île de ….

 

Ma première installation a eu lieu au Centre Albert Chanot à Clamart. Puis, au Centre d’Art Contemporain d’Osaka et finalement à Paris à la Galerie Arichi, en partie.

 

Ma démarche dans le Kansaï a orienté mon travail vers une nouvelle direction qui incorpore fortement l’esprit des forêts et des espaces naturels. Je génère un langage proche des espaces urbains.  

 

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